❝ i don't look for trouble but trouble looks for me ❞ ❝ Rio de Janeiro, Bresil ; 11 et 14 septembre 1997 ❞

Il fait chaud aujourd'hui et maman et moi marchons côte à côte dans les rues de Rio. Elle a voulu me tenir la main mais je lui ai dit que j'étais trop grand pour ça, ça l'a fait rire. Elle est jolie quand elle rit. Il y a du monde aujourd'hui, je sais pas pourquoi, peut-être que les gens aussi vont faire les magasins ou le marché. Nous atteignons les premières étales du marche d'ailleurs. Les yeux fixés sur celle qui est recouverte de jouets, je me cogne à quelqu'un et m'excuse vaguement. « Julian reste-là d'accord, je vais regarder un peu l'étale là-bas. » Je hoche à peine la tête, complètement fasciné par les petites voitures sous mes yeux. Ma mère est très protectrice envers moi parce qu'on a toujours été que tous les deux. Bon j'ai un oncle et des cousins mais même, je ne les vois pas tout le temps et ce n'est pas la même chose. Maman m'a dit que mon père était parti quand j'avais un an et qu'elle ne l'avait jamais revu. Je ne me souviens plus du tout de lui, la seule chose qu'il me reste c'est son nom de famille qui accompagne celui des Pereira sur ma carte d'identité. Le vendeur me regarde fixer son étale avec un sourire en coin. C'est un gros monsieur avec une moustache noire et plus beaucoup de cheveux et qui transpire abondamment. « Tu vois quelque chose qui t'intéresse petit ? » me demande-t-il. Oui, OUI ! Oh ... mais j'espère que maman sera d'accord.  Je me retourne pour la voir. Elle est toujours où elle l'a dit, pas très loin à l'étale des bijoux. Je reste encore un peu pour être sur de mon choix et ensuite je vais lui demander. Je repose à nouveau les yeux sur les jouets. Une fraction de seconde plus tard, deux détonations déchirent le murmure de la foule et le bruit de la ville, les remplaçant par des cris. Je sursaute, arrête de respirer et me retourne. Maman n'est plus là, elle est ... elle est allongée par terre. Je comprends pas tout de suite ce que ça implique. Mais je croise deux yeux noirs comme des puits. Un homme vêtu d'un débardeur noir et couvert de tatouage, en train de s'éloigner de ma mère. Je vois le canon de l'arme qui dépasse de son short. Le temps a ralenti puis il disparait parmi la foule qui court autour de moi. Ils crient tous mais je n'entends rien. Je me précipite à contre courant vers ma mère qui ne se relève toujours pas. Ses magnifiques boucles brunes sont étalées sur le béton. La flaque de dans s'agrandit autour d'elle. Je m'agenouille, la secoue légèrement mais elle garde les yeux fermés. Je comprends pas tout de suite ce que ça implique ou plutôt je ne veux pas comprendre.

***

Il fait chaud aujourd'hui, beaucoup trop chaud pour porter un costume noir. J'ai l'impression d'étouffer. Maman aurait aimé toutes ces fleurs et tous ces gens bien habillés pour elle. Je la regarde, le visage fermé, enfin plutôt je regarde le cercueil en bois foncé et gravé que mon oncle Rafael a choisi pour elle. Elle doit être à l'étroit là-dedans. C'est très bête mais chaque seconde que je passe à regarder le cercueil ... je me dis que d'un instant à l'autre, le couvercle va s'ouvrir et qu'elle va apparaître, un grand sourire sur son beau visage et qu'elle nous demandera pourquoi on fait tous ces têtes. A chaque seconde, je me dis que ça va arriver à la seconde suivant ... Mais ce n'est jamais le cas. Le cimetière est rempli, j'ignorais qu'elle connaissait tous ces gens. Oncle Rafael semble préoccupé. Il y a des gens bizarres, des hommes avec des lunettes de soleil et des oreillettes qui fixent la foule d'invités. Qu'est-ce que maman disait déjà ? Oncle Rafael fait des choses pas très jolies. Elle avait toujours un petit sourire las et triste en disant ça. Le prêtre parle depuis une quinzaine de minute maintenant mais je n'ai rien écouté de ce qu'il a dit. Maman croit en Dieu. Maman croyait en Dieu, et elle me poussait à y croire aussi, parce que selon elle, Il est le seul sur qui on peut s'appuyer et qui ne nous trahira jamais. Cette phrase ne veut plus rien dire pour moi car Il m'a trahi il y a trois jours quand il a laissé ma mère se faire tuer. S'Il était vraiment bon, pourquoi aurait-il laissé faire ça ? Une colère sourde monte en moi. Les adultes ont beau m'écarter de toutes les discussions sur le sujet, j'ai bien compris qu'ils n'avaient toujours pas retrouvé celui qui avait fait ça. Pour la première fois de ma vie, je ressens du haut de mes huit ans l'envie de mettre fin à la vie de quelqu'un. Je serre les poings tellement fort en souhaitant que le monde entier disparaisse. Elle est morte. La seule personne qui a toujours été présente dans ma vie est morte. Je ne la reverrai plus jamais et ça me met tellement en colère. Puis soudain, une main se glisse dans la mienne et la serre fort. La colère retombe d'un seul coup. Je n'ai pas besoin de bouger pour savoir qu'il s'agit de Sanaël, mon cousin. J'expire longuement en me rendant compte que j'avais presque arrêté de respirer. Les larmes me montent aux yeux. Je serre sa main en retour pour lui dire merci, incapable de dire le moindre mot.

❝ dangerous animal ❞ ❝ Rio de Janeiro, Bresil ; 13 Janvier 2014 ❞

J'essuie le sang de mon visage en grognant. Encore un t-shirt foutu, si seulement il avait voulu se tenir tranquille ... pendant que je lui coupais son putain d'index. En tout cas ç'a été encore une sortie nocturne très prolifique, mmmmm. C'est une règle chez nous, t'as un problème avec les Pereira ? Nous le réglons grâce au moyen le plus efficace qui existe. Les autres et moi on rentre chez Rafael dès que les derniers détails sont réglés. Diego gare la voiture, nous descendons tous et la deuxième équipe nous suit. Nous entrons dans l'antre des Pereira, il va falloir débriefer sur notre mission qui s'est au passage très bien passée. Quand j'arrive dans le hall, j'ai le bonheur de croiser Sanaël. On a senti l'ironie dans ma voix là ? « Vous avez liquidé le problème ? » me demande-t-il. Pour première réponse, je lève les yeux au ciel. « Non, on a joué au scrabble avec lui puis on l'a laissé partir. Il nous a même invités au spectacle de fin d'année de sa fille ! » ai-je répondu ironique au possible. Mon cousin me lance un regard noir qui pourrait figer sur place ... bah, pas grand monde si vous voulez mon avis, mais en tout cas ça ne marche pas. « T'es vraiment con, tu peux pas arrêter tes conneries deux minutes ? » crache-t-il. Ma relation avec lui a totalement changé au fil des ans. Je sais que j'ai un rôle très important par rapport à cette dégradation mais je m'en fous. Il mérite pas d'être à la tête de cette famille quand son père prendra sa retraite et pourtant, ça va être le cas. Mais je mérite cette place autant que lui, si ce n'est plus ! Ma mère me répétait à quel point je mérite de faire de grandes choses et d'être important. L'idée de passer le reste de ma vie dans l'ombre de Sanaël me révulse. Le reste de l'équipe a disparu comme par magie, ils ont dû sentir la prise de tête arriver, ils commencent à être habitués. « Quoi, on n'a pas d'humour votre majesté ? » ai-je rétorqué d'un ton moqueur. Il me lance un regard assassin et je vois ses poings se serrer. Oh il veut se battre ? Très bien quand il veut. Ca serait pas la première fois et surtout ça serait loin d'être la dernière. On se défie du regard, sans bouger pendant de longues secondes, attendant que le premier bouge. « Qu'est-ce que vous faites les gars ? » Surpris, on se retourne vers la personne qui vient de parler. C'est Thea, je ne l'avais pas entendu arriver. Elle nous sourit à tous les deux et mon poing se relâche. Je sais que c'est pareil pour lui. Souvent, je me dis que Thea  et même Saoirse sont les seules raisons pour lesquelles je ne mets pas un plan à exécution pour me débarrasser de Sanaël, ça et autre chose à laquelle je ne préfère pas penser.