Un soupire m’échappe tandis que j’ôte mon gilet pare balle. C’est fou comme ce truc peut-être lourd et me faire un mal de chien au niveau des épaules. Paupières closes, j’étire mon cou puis mon dos alors que la porte des vestiaires s’ouvre. A mes yeux c’est une journée banale à Rio comme depuis … j’ai cessé de compter en fait. Moi, petit canadien je vis désormais à Rio de Janeiro et si j’ai d’abord pensé que le monde tournait complètement à l’envers, je m’y suis habitué. De toute manière, de base, je ne suis pas destiné à la carrière que j’ai tout de même embrassée. Père avocat, mère neurochirurgienne de grande renommée, tous les deux s’attendaient à ce que je fasse quelque chose de plus intéressant de ma vie. Je me souviens que déjà, tout petit, ils m’avaient clairement fait comprendre que la carrière de pompier à laquelle je rêvais, je pouvais l’oublier. J’ai accepté leur caprice jusqu’à mes dix-sept ans après quoi je suis entré à l’école de police principalement pour les énerver. Ce fut une victoire. Mon père ne m’adressa plus la parole durant des mois et ma mère … elle fini par s’y faire après trois semaines de froideur. Mais ce qui n’était qu’un moyen de les agacer a fini par se transformer en passion et en fierté. Meilleur cadet de ma promotion, j’ai intégré les rangs des Renseignements sans trop de problème même si j’ai dû prouver mes capacités à mon chef … comme tout le monde, sauf que tout à mal tourné. Blessé assez sérieusement au cours d’une mission, j’ai fini par faire mes clics et mes clacs en demandant mon transfert ailleurs, n’importe où mais loin de Toronto. J’ai atterri à Rio. « Jameson … » Ah oui, la porte qui s’est ouverte. Je redescends sur terre, redresse la tête, ouvre les yeux et pose mon regard sur un de mes coéquipiers qui semble particulièrement mal à l’aise. Ca ne lui ressemble pas. Je fronce les sourcils mais retire mon haut en même temps malgré tout. « Qu’est-ce qui t’arrive ? T’as bu le café du patron ? » C’est là chose à ne JAMAIS faire si on tient à notre vie. Le café du patron, c’est le café du patron, point. J’attrape mon tee-shirt propre et l’enfile. « C’est Mia. » J’arrête de faire le coin et fixe mon collègue en sentant mon sang se glacer. Je n’aime pas quand on commence une phrase ainsi, c’est toujours de mauvais augure. Je déglutis avec difficulté. « Elle vient d’être amenée aux urgences … Elle s’est fait tirer dessus. » Le monde arrête de tourner si brusquement que je manque de tourner de l’œil. Mia blessée par balle. Mia aux urgences. Mia mal au point. Et le bébé … Sans plus attendre, j’attrape ma veste quitte le commissariat à toute vitesse, oubliant le code de la route sur le chemin vers les urgences. Sur place on m’interdit de la voir, qu’importe que je sois son fiancé ou non et je reste des heures interminables dans une salle d’attente à taper du pied à rendre mon voisin fou jusqu’à ce qu’un médecin n’arrive, la mine grave pour m’annoncer que si ma fille est en vie, c’est pas le cas de sa mère. Je hais Rio !

Trois ans, si ce n’est pas quasiment quatre que Mia est morte me laissant sur les bras notre petite princesse, une petite Paz – comme sa mère tenait à ce que nous l’appelions – qui est désormais ma raison de vivre, mon rayon de soleil. La mort de ma fiancée est ce qui m’a amené à travailler d’autant plus sérieusement jusqu’à faire tomber le petit con qui me l’a arraché à tout jamais. Pourtant, rien n’est rentré dans l’ordre car si avec deux salaires nous parvenions à vivre convenablement, maintenant que je suis père et que je ne peux compter que sur mon maigre salaire la vie est difficile raison pour laquelle je fais la pire chose qui soit. J’accepte de fermer les yeux sur certaines choses, je joue avec ma vie et sans doute avec celle de mon coéquipier et meilleur ami. Flic ripoux, c’est ainsi qu’on peut me qualifier et même si je sais que l’excuse « je fais ça pour ma fille » est bancale, elle n’en reste pas moins celle que je me répète à chaque fois que je vais contre la loi et contre les règles.